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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 10:18

 

 

 

 

Ibn Al-Jawzî

 

 

 

 

 

 

 

 

J’ai dit, un jour, au cours d’une de mes assises : « Si les montagnes avaient dû supporter ce que j’ai supporté, elles en auraient été incapables. » En revenant chez moi, mon âme me dit : « Comment as-tu pu dire cela? Les gens vont peut être s’imaginer que tu souffres, alors que tu es préservé en ta personne et ta famille. As-tu supporté autre chose que l’imposition religieuse qui pèse sur toutes les créa­tures ? Alors, pourquoi cette plainte? »

 

 

 

 

 

Je lui répondis : Comme je peinais sous le poids de ce que j’avais à supporter, j’ai prononcé ces mots, non pour me plaindre, mais pour me soulager. Et nombre de Compagnons et de leurs successeurs ont dit avant moi : « Ah ! Si seulement nous n’avions pas été créés ! » Ceci, en raison de la peine à supporter certaines choses. Ensuite, celui qui se figure que les impositions religieuses (At-Takâlîf) sont faciles ne les connaît pas. Comment peut-on s’imaginer qu’elles consistent à laver les membres avec une livre d’eau ou se rendre en un lieu de prière pour accomplir deux unités de prière ? Allons donc ! Ce sont là les plus simples des impositions religieuses. La plus grande imposition religieuse est justement ce devant quoi les montagnes sont impuissantes ! [1] Parmi ceci est que je vois le destin s’abattre d’une manière qui déroute ma raison et que je la force pourtant à se soumettre à la prédestination, et cela compte parmi les plus difficiles des impositions religieuses ; surtout ce dont la raison ne comprend pas le sens, comme la souf­france des enfants et le sacrifice des animaux. Tout en croyant que Celui qui le prédestine et l’ordonne est le plus miséricordieux des miséricordieux. Voilà ce en quoi la raison se perd, et son imposition est, ici, de se soumettre et de délaisser toute objection.

 

 

 

 

 

Alors comment comparer l’imposition religieuse qui pèse sur le corps et celle qui pèse sur la raison ? Si j’avais commenté cela, c’eut été long, toutefois, je vais justifier ce que j’ai dit. C’est de moi que je vais parler et l’état des autres ne m’y oblige pas : je suis un homme à qui, dès l’enfance, on a fait aimé la science et qui s’y est entièrement consacré, et pas uniquement à une des branches de la science, mais toutes. Mon ambition ne se limite pas, dans une branche, à une partie de celle-ci, mais je cherche à l’examiner en profondeur. Cependant le temps ne le permet pas, la vie est trop courte, l’ambition trop grande, l’impuissance apparaît vite et certains désirs insatisfaits se transforment en déceptions !

 

 

 

 

 

Ensuite la science m’a amené à la connaissance de l’Être adoré et m’a incité à L’adorer. Les preuves de Son existence m’ont appelé à Lui, je me suis tenu devant Lui, je L’ai vu tel qu’Il s’est décrit, et je L’ai reconnu à Ses attributs. Mon regard a contemplé de Ses grâces et cela m’a amené à rechercher éperdument Son amour et m’a poussé à me libérer de tout pour me consacrer à Son adoration. Une flamme s’empare de moi chaque fois que je Le mentionne, et mon isolement pour L’adorer est, pour moi, la plus douce des choses.

 

 

 

 

 

Chaque fois que je veux cesser mes occupations pour m’isoler, la science me crie : « Où vas-tu ? » Te détournes-tu de moi qui suis celle qui te L’a fait connaître? » Je lui réponds : Tu n’es qu’un guide, et quand on est parvenu à l’objectif, on peut se passer de guide ! Elle me dit : « Allons donc ! Plus ta science aug­mente, plus la connaissance que tu as de ton Être aimé grandit, et mieux tu comprends comment t’en rapprocher. La preuve en est que tu sauras, demain, que tu es aujourd’hui dans l’imperfection. Ne l’as-tu pas entendu dire à Son Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) : « Et dis : Ô Seigneur, accrois ma science ! » [Tâ-Ha, v.114] 

 

 

 

 

 

Ne veux-tu pas te rapprocher de Lui ? Consacre-toi à guider Ses serviteurs vers Lui, c’est la condition des Prophètes, qu’Allah les couvre d’éloges et les salue. Ne sais-tu pas qu’ils ont préféré l’enseignement aux hommes à l’isolement pour l’adoration, car ils savaient que c’est ce que préfère leur Être aimé ? Le Messager (salallahu ‘alayhi wasalam) n’a-t-il pas dit à cAlî : « Qu’Allah guide, à travers toi, un seul homme est meilleur pour toi que de posséder des chamelles rousses. » [Al-Bukhârî (3701) et Muslim (2406)] 

 

 

 

 

 

Lorsque j’eus compris la véracité de ces paroles, j’ai persévéré ainsi : chaque fois que je m’appliquais à rassembler les hommes, mon esprit se dispersait [2]. Lorsque je parvenais à leur être utile, moi je faiblissais,  et je demeurais hésitant dans le désarroi, ne sachant sur quel pied m’appuyer. Lorsque je me suis arrêté, désemparé, la science m’a crié : « Vas donc gagner la subsistance de ta famille, et persévère afin d’avoir un enfant qui mentionne Allah ! » Lorsque je m’y suis attelé, les mamelles du monde s’étaient rétractées au moment de la traite, et j’ai vu la porte de la subsistance fermée devant moi, car l’exercice de la science m’avait empêché d’apprendre une profession. Lorsque je me suis retourné vers les hommes de ce monde, j’ai vu qu’ils ne vendaient leurs marchan­dises qu’au prix de la religion de l’acheteur. Malheur à celui qui se montre hypocrite envers eux ou les trompe pour parvenir à une part de leurs biens ! Pire encore, il peut perdre sa religion sans parvenir à son but !

 

 

 

 

 

Quand la lassitude disait : « Sauve-toi », la Législation me criait : « Suffit comme péché d’abandonner ceux qui sont à sa charge. » [Muslim (996)] Et si la détermination me disait : « Isole-toi ! », la Législation me répondait : « Et que feras-tu de ceux qui sont à ta charge ? » Le résultat fut que j’ai diminué ma part des biens de ce monde alors que j’ai été élevé dans ses délices et que j’ai été nourri de son lait, et la délicatesse de mon organisme était plus grande encore que celle qui lui venait de l’habitude. En changeant de vêtements et en ayant une nourriture plus fruste — car la subsistance ne tolère aucun plaisir — ma nature fuit car l’habitude était rompue. La maladie survint, m’empêcha d’accomplir mes obligations et me fit tomber dans les difficultés. On sait que le pain frais que l’on mange aussitôt qu’on l’achète est agréable, mais que le manger rassis, pour qui n’y est pas habitué, est une agression contre l’âme. Je me suis dit : Comment agir ? Que faire ? En me retirant dans la solitude, et en versant des larmes abon­dantes sur la bassesse de ma condition. Je me suis dit : Je décris la condition des savants, alors que mon corps est incapable de s’appli­quer à la science ; celle des ascètes, alors que mon orga­nisme ne supporte pas l’ascétisme ; celle de ceux qui aiment, alors que la fréquentation des créatures disperse mon esprit, grave en mon âme les formes des choses aimées, et trouble le miroir de mon cœur. Alors que l’arbre de l’amour demande à être cultivé dans une bonne terre, et à être arrosé de l’eau de la solitude amenée par la roue de la pensée.

 

 

 

 

 

Si je choisis de gagner ma vie, je ne peux le faire, et si je me tourne vers les hommes de ce monde, bien que ma nature soit de mépriser la médiocrité et que ma piété m’en empêche, je n’ai le choix que de pencher vers l’une des deux options. Et puis la fréquentation des hommes est une souffrance pour l’âme à cause de leur haleine. Je ne pouvais ni réaliser mon repentir, ni atteindre un rang dans la science, les œuvres ou l’amour [d’Allah], et je me retrouvais dans la situation décrite par le poète :

 

 

 

 

 

Il l’a jeté dans les flots, enchaîné et lui a dit

 

 

Fais attention, fais bien attention à ne pas te mouiller ! 

 

 

 

 

 

J’étais désemparé, je pleurais sur ma vie et, dans les déserts de ma solitude, je criais ce que j’avais entendu d’un homme commun qui semblait décrire ma situation :

 

 

 

 

 

Ah! Que je voudrais te cacher ma peine

 

 

Comme le captif qui n’a ni corde ni lien

 

 

Comment fuir les passions qui m’ont fait perdre tout contrôle ?

 

 

Après que tu m’aies attaché les ailes et m’aies dit : Vole !

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] Allah dit : « Nous avions proposé aux cieux, à la terre et aux montagnes de leur confier le dépôt. Ils ont refusé et en ont eu peur. L’homme s’en est alors chargé ; il est très injuste envers lui-même et très ignorant. » Sourate Al-Ahzâb, .72.

 

 

 

 

 

[2] i.e : il n’était plus dans l’isolement avec Allah.

 

 

 

 

 

Source : Les Pensées Précieuses

 

 

Traduit et publié par les salafis de l’Est

 

 

 

 

 

 

On peut s’étonner la lucidité avec laquelle Ibn Al-Jawzî décrit la condition de bon nombre de savants et étudiants. L’épreuve du dénuement qu’Allah leur a imposé, afin de voir qui d’entre eux patiente et qui se détourne et penche vers ce bas monde et ses bassesses. Il faut également qu’en tirent une leçon tous ceux qui envisagent ou s’aventurent dans la recherche de la science sans y être préparés. Il est triste de voir des frères et sœurs se lancer à corps perdu en une chose qu’ils n’ont que fantasmée sans en connaître la difficile réalité, et revenir bien vite de leurs illusions. De même qu’il est regrettable de voir des frères et sœurs se consacrer totalement à l’apprentissage quelques années de leur vie pour ensuite revenir au lieu d’où ils sont partis et trouver, comme le décrit Ibn Al-Jawzî, les portes fermées et les chemins de la subsistance obstrués, si bien qu’ils en sont réduits à s’humilier en ce qui ne convient pas, et parfois retomber plus bas qu’avant leur départ ou dans des péchés que, jusqu’ici, ils ignoraient. Ibn Al-Jawzî n’aura de cesse de le répéter dans cet ouvrage, il faut apprendre un métier, il faut pouvoir être financièrement indépendant, même si cela semble ralentir son apprentissage, mais sur le long terme, c’est la seule manière de rester digne et constant. Il faut également rester lucide et ne pas céder à la « pression ambiante » qui voudrait que tout le monde fasse, comme le dit la formule, « Talab Al-‘Ilm ». C’est une erreur et une ignorance que de penser que tout le monde peut se lancer dans l’étude des sciences religieuses, Allah ne dit-Il pas clairement : « Les croyants n’ont pas à quitter tous leurs foyers. Pourquoi un groupe de chaque tribu ne viendrait-il pas s’instruire dans la religion, pour pouvoir avertir leur peuple à leur retour, afin qu’ils soient sur leur garde ? » [At-Tawbah, v.122] Par Allah, on peut être mère au foyer et être une bonne croyante, on peut être boulanger et bien connaître sa religion, on peut être ingénieur et être ascète, il n’y a pas d’incompatibilité en cela. L’époque est aux diplômes et à la « tazkiyah », mais comme le répétait souvent shaykh Al-Albânî, qui est plus savant : celui qui étudie quelques années pour obtenir son diplôme et un poste ou celui qui étudie constamment tout au long de sa vie ? Toute personne qui connaît l’enseignement sait combien est relative la valeur d’un diplôme ou d’une attestation. Personne n’irait encenser un étudiant en Master d’économie à la Sorbonne et dire qu’il est un grand économiste et un exemple, alors pourquoi en serait-il autrement en sciences religieuses ? Nous disons cela dans l’espoir que cesse cette « folie ambiante » qui élève certains au-dessus du rang qui est le leur, et rabaisse injustement d’autres plus bas que terre : « Ô vous qui avez cru, soyez équitables, cela est plus proche de la piété » Par Allah, nous ne sommes que frères, et le meilleur d’entre nous est le plus pieux, et seul Allah connaît la réalité de cette piété. Le temps n’est-il pas venu que ces paroles se traduisent dans nos actes et nos comportements ?

 

source : http://www.salafs.com/modules/news/article.php?storyid=10254

 

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